Les professionnels du secteur immobilier craignent un impact inattendu de la retenue à la source.
Une formalité, le prélèvement à la source? Officiellement, passé la surprise d’avoir moins d’argent sur son compte, peut-être de devoir renoncer à quelques dépenses pour n’être pas à découvert, tout devrait bien se passer et les budgets domestiques s’équilibrer sans problème. En réalité, la mesure pourrait avoir plusieurs conséquences lourdes sur le marché du logement, au risque de le déséquilibrer. D’abord, comment les retards de paiement de loyer ne se multiplieraient-ils pas, alors qu’au cours des dix dernières années, sous le seul effet des difficultés économiques, ils ont été multipliés par trois? D’autant que la fiscalité personnelle ne s’est pas allégée, que le pouvoir d’achat reste contraint et que les hausses de salaire ne sont pas d’actualité. Les assureurs qui couvrent auprès des propriétaires les impayés des locataires sont inquiets: ils estiment que la majoration du risque est considérable et qu’il va leur falloir exercer une vigilance extrême sur la qualité des dossiers qu’ils acceptent.
Un autre marché va souffrir, celui de l’accession à la propriété. En premier lieu, le sentiment d’appauvrissement qui affectera les candidats à l’acquisition va inévitablement entraîner un réflexe de repli. On sait que quand un ménage voit ses revenus croître, ne serait-ce que de 5 ou 10%, et son reste à vivre s’amplifier, il a envie d’investir. Là encore, comment imaginer que la cause inverse ne produira pas l’effet inverse? Les Français vont s’estimer désolvabilisés par rapport aux prix de l’immobilier. A la clé, l’abattement et le renoncement, en particulier dans les classes moyennes exclues des dispositifs d’aide comme le prêt à taux zéro, qui ne décident d’acheter qu’en considération de leurs moyens propres. Le marché des ventes de logements va perdre de sa vigueur, ce qui aura pour effet de tempérer les prix.
Quel sera le comportement des familles qui garderont l’envie de devenir propriétaires? Les banquiers, après avoir été étonnamment silencieux au cours de la période d’installation du prélèvement à la source, ont enfin révélé comment ils allaient prendre en compte les revenus amputés de l’impôt au moment de consentir un prêt, sachant qu’ils ne tiennent pas aujourd’hui l’impôt pour une charge à part entière. En toute hypothèse, ils continueront à regarder les revenus avant impôt, pondérés du reste à vivre. Pas de problème par conséquent par rapport aux critères d’évaluation de la capacité d’emprunt des ménages. On demande quand même à voir. A supposer que les prêteurs ne modifient pas leur regard sur la solvabilité, c’est l’estimation que les acquéreurs feront de leur capacité de remboursement qui va conditionner leur stratégie d’achat. Ils vont constater la réduction mécanique de leur revenu disponible et vont soit se contenter de logements moins chers, soit négocier plus fermement.
Cette seconde conséquence va également peser sur les prix là où ils sont les plus élevés, dès le début de 2019 et sans doute durablement. On cherche depuis dix ans un moyen de contenir les hausses de prix de l’immobilier. On va le trouver là où on ne l’attendait pas: dans la baisse optique soudaine des revenus des ménages.